12 octobre 2008

Des photos et des Hommes

A voir en écoutant : Nujabes - The Final View


Une Folie, donc. Une splendide Folie du XVIIIe siècle dans le XXe arrondissement (ben oui, je parle de la Folie au sens architectural, pas de celle qui domine les marchés financiers actuellement). Fière, droite, blanche, armée de quatre colonnes et cependant sobre. Je suis immédiatement charmé par le lieu.
Au Pavillon Carré de Baudouin donc, se tient ce jour-là le vernissage de l'exposition consacrée à Denis Darzacq. Forcément, j'imagine déjà une foule parisianiste hypeuse plutôt pressée pour cause de fashion week. Forcément puisque Mr Darzacq a reçu le 1er Prix Stories du World Press Photo 2007 (ça l'fait !), puisqu'il a été photo-journaliste pour Libération (ça l'fait ?) et puisqu'il a arpenté professionnellement quelques fameux plateaux de cinéma (Rivette, Satyajit Ray et Chantal Ackerman, ça l'fait !) et de clips video (Rita Mitsouko et Etienne Daho, ça l'fait !).

Totale erreur. La foule est multiple et authentique. Depuis les danseurs présents sur les photographies de Denis Darzacq qui prennent le temps de m'expliquer les méthodes de travail adoptées en passant par l'étudiante des Beaux-Arts jusqu'au père qui transmet à son jeune fils les plaisirs de la découverte artistique. Bref, des êtres humains.
Et ce sont d'autres hommes qui m'apparraîssent exposés sur les murs du Pavillon Carré de Baudouin. Casqués, flottant ou chutant, les hommes de Denis Darzacq sont d'abord des individus. Certes, la renommée du photographe s'est amplifiée lorsque ses oeuvres ont été mises en corrélation avec les "émeutes" de 2005 survenues dans les banlieues. Il est vrai également que les terrains de travail de Denis Darzacq se nomment Nanterre, Bobigny ou XIXe arrondissement. Pourtant, au-delà des cités et des entrées d'immeuble, je vois l'humain. Pas l'humain globalisé des gens du marketing, pas l'humain stéréotypé des lignes éditoriales, encore moins celui stigmatisé par les gens de la politique. Effectivement, face à moi, chaque regard, posture ou mouvement me renvoie l'image d'une individualité. Impossible de généraliser le regard que les modèles m'adressent, impossible de définir un état d'esprit commun, impossible de trouver un sentiment partagé par tous. Ils sont accablés ou décidés, fougueux ou sereins, fiers-à-bras ou usés.

L'homme de la rue.
La série "Ensembles" (1997-2000) propose un point de vue en hauteur. En l'absence de tout indicateur de lieu, les personnes photographiées organisent seules l'image. Elles se promènent bras enlacés, s'arrêtent pour échanger, se dirigent affairées ou abattues vers quelque autre lieu. Et toujours, leurs ombres les accompagnent. Jamais totalement seules, jamais totalement ensemble. En regardant ces photographies, je me fais voyeur de ces solitudes et me surprend à constater la mienne dans la galerie pourtant bondée.


Le visage de l'homme.
Dans "Bobigny Centre Ville" (2004-2005), Denis Darzacq fait le portrait individuel de résidents (tenus à résidence ?) de la cité, photographiés devant leur immeuble. Je n'y vois nul banlieusard, nul lascard ni autre 3e génération. Je rencontre Mame Sow, Djibril Koita ou Hamza Achik.

L'homme nu.
Ils sont tous nus mais sans le moindre soupçon d'érotisme. Laissant derrière eux leur standardisé pavillon, ils avancent décidés dans la série "Nu" (2003), aucune hésitation ni contrainte ne semble les atteindre. Quel est ce lieu vers lequel ils se dirigent ? Est-ce seulement un lieu ?

L'homme suspendu.
Que ce soit dans la série "La chute" (2006) ou dans la série "Hyper" (2007), l'homme de Denis Darzacq lévite et offre une image inattendue. Les danseurs sont capturés par l'oeil du photographe à l'instant précis où ils s'affranchissent des contraintes de l'apesanteur et de la pesanteur. La performance des modèles est évidente dans les figures aériennes qu'ils accomplissent. Néanmoins, aussi importante est la liberté que l'individu prend à l'égard du monde normalisé qui l'entoure, de l'urbanisation de la cité à l'hideuse esthétique des hypermarchés.


L'homme masqué.
Pour mon oeil, la série "Casques" (2007) est la moins évidente. Les casques apparaissent tels des masques portés par chaque personnage. Celui-ci, bien que dissimulé derrière son armure faciale laisse deviner sa personnalité au travers du choix des motifs de son casque. Pourtant, je préfère Denis Darzacq lorsqu'il photographie l'homme sans artifice.

A toi de voir...
Merci à Alain Rémond et Jérôme Garcin.




Le Pavillon Carré de Baudouin expose Denis Darzacq
du 03/10/2008 au 22/11/2008
119, 121 rue de Ménilmontant
75020 Paris

3 commentaires:

Anonyme a dit…

"Totale erreur. La foule est multiple et authentique."
C'est quoi une foule authentique ?
Sinon, je fonce voir l'expo.

Anonyme a dit…

"Ils sont tous nus mais sans le moindre soupçon d'érotisme"....

Eh ben c'est justement ce qu'on pourrait leur reprocher !

Car le nu artistique se doit avant tout d'éveiller les sens à travers la sensualité, ce qui ne peut en aucun cas faire l'économie d'une touche d'érotisme.

C'est pourquoi une chute de reins féminin, quelque soit son propriétaire, reste le plus beau chef d'oeuvre de la création.


Signé : tuvoisquejevienssurtonblog

Anonyme a dit…

Cher tuvoisquejevienssurtonblog,

il me semble que le nu ici n'est pas artistique. Il symbolise la renonciation à la société de consommation dont les dieux se nomment Nike, Coca ou Kaufmann & Broad. Le pavillon standardisé de banlieue est délaissé pour une autre voie. Mais ce n'est que mon avis...